Le campement principal est constitué d’une cuisine, d’une salle de lecture et projections, de douches et toilettes sèches, d'une infirmerie et de dortoirs avec des mezzanines. Tout est construit en bois, un mélange de paille et argile sert d'isolant. Dans certains murs pousse déjà un peu d’herbe.... Entre les dortoirs, on a construit des pontons en rondins, surélevés pour éviter de marcher dans la boue et piétiner les marais, on est dans une zone humide. Les constructions ont été faites sur un terrain cédé par un agriculteur solidaire.
Les autres résistants dorment dans les environs du campement, sous des tentes, dans des cabanes construites par eux, sans aucun chauffage, au milieu des bois, seuls ou rassemblés en cercle.
Il est là le noyau dur, toujours vigilant, faisant des rondes nocturnes pour empêcher que les forces de l'ordre ne les délogent. La police s’est positionnée aux alentours, contrôle le passage des voitures et vérifie le contenu des coffres : il est interdit de faire entrer de l’essence, du kérosène, mais aussi des matériaux de construction et autres.
A côté des barricades gisent les bouteilles de probables cocktails Molotov. Des raquettes de tennis attirent notre attention : "les plus habiles s’amusent à esquiver les gaz lacrymogènes et les renvoient en retour vers la police" dit-on. Interdit de prendre les résistants en photo, ils ne veulent pas être identifiés, ni qu’on sache qu’ils sont passés par là. Quelqu’un arrive et veut savoir le numéro de portable d’un ami, personne ne l’a et on lui dit finalement : “pourquoi tu ne poses pas la question aux flics ? Ils sont mieux renseignés que nous, ceux d’aujourd’hui sont des jeunes, p’têt ben qu’ils le connaissent le numéro de portable de ton ami". L’humour ne se perd pas à NDDL....
Nous installons le projecteur et commençons par la diffusion de la vidéo de “los guardianes de las lagunas” (les gardiens des lacs) et de la dernière concentration du mois de février/mars devant les lacs. Ils restent admiratifs des conditions dans lesquelles les gardiens résistent à plus de 4000 mètres d’altitude, comment on prépare les aliments et comment on mange "comme nous" disent tous "mais eux ils ont plus froid et sont dans des pires conditions". Ils voient les bocages de Conga et s’exclament “comme ici”, ils voient les machines de Yanacocha et font des comparaisons avec la construction de l’aéroport, ils voient les flics et comparent avec les flics qui les surveillent eux et qui sont aussi des flics venus d’ailleurs, qui n'ont pas d'attache avec le territoire qu'ils "défendent". Nous commençons à voir « Open Pit » et le problème de l’eau "comme ici", "c’est partout pareil, c’est abusé” ; Petit à petit la curiosité grandit et les questions afflouent, ils veulent savoir plus et encore, sur les ronderos, sur Yanacocha, sur Newmont, sur la résistance, sur les conséquences sur l’environnement, la santé et, finalement, les mots-clés jaillissent "Et nous, qu’est-ce qu’on peut faire ?". Deux idées surgissent, une lettre d’appui et, quand ils apprennent que les flics français entrainent les flics péruviens "pour frapper plus doucement", je suggère "pourquoi n’échangez-vous pas les expériences ?". A la fin, un groupe de jeunes exprime son souhait de voyager là-bas. Espérons-le.