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Le droit à l’eau dans les communautés touchées par les activités minières au Pérou

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Date de publication: 
Vendredi, 7 Décembre, 2012
Par: 
Marco Arana

Foro Internacional del Agua

Cajamarca 6 y 7 de Diciembre 2012
 
Par Marco Arana Zegarra[1] 
  

La Nouvelle Loi Générale des Mines promulguée par Fujimori en 1992 avait comme but de promouvoir et de stimuler le développement de l’activité minière au Pérou et son efficacité a été telle que pour la période 2007-2011 les exportations du secteur primaire sont venues à représenter, en moyenne, 70% de toutes les exportations, transformant rapidement le Pérou en le principal producteur d’or de l’Amérique Latine. Cependant, l’industrie minière est aussi la principale source de conflits socio-environnementaux, principalement hydriques, dans le pays.

L’EXPANSION DE L’INDUSTRIE MINIÈRE AU PÉROU:

Favorisées par les lois de promotion des investissements et par la loi des mines, les concessions minières se sont étendues sur tout le pays, jusqu’à couvrir, en juin 2011, plus de 24 millions d’hectares. Le gouvernement se félicite des prévisions de plus de 42 milliards de dollars d’investissement minier dans les prochaines années , et les régions où l’on trouve les principales opérations minières ont commencé à recevoir d’importants transferts monétaires  issus de l’impôt sur la rente minière  collecté par le gouvernement central (Huaraz, Cajamarca, Arequipa, entre autres). Pour faciliter une plus grande expansion des activités minières, le gouvernement et les entreprises  promeuvent le développement d’importants projets d’infrastructures routières et l’extension des réseaux d’approvisionnement d’énergie électrique. En effet, il est connu que l’accord hydro-énergétique avec le Brésil qui consiste surtout à construire des barrages sur les fleuves amazoniens est orienté non seulement à satisfaire les besoins énergétiques du Brésil, mais surtout à fournir en énergie huit des principaux projets miniers que le gouvernement péruvien a l’intention d’approuver dans les cinq prochaines années. [2] La publicité minière et gouvernementale promet que le Pérou sortira de la pauvreté grâce au boom minier et certains pensent même qu’avec l’impôt que les entreprises minières payeront (estimé à plus ou moins trois milliards de nouveaux soles) et la loi sur l’accord préalable des peuples indigènes récemment promulguée par le président Ollanta Humala, l’industrie minière entrera dans une nouvelle étape, où il y aura moins de conflits socio-environnementaux et où elle se convertira en un “diamant de la compétitivité”, comme disaient les néolibéraux des années 90 ou, comme on dit aujourd’hui de façon encore plus simpliste, la “locomotive du développement”. Ceci étant dit, il apparaît important de comprendre pourquoi l’industrie minière est la principale source de conflits socio- environnementaux au Pérou, qui concernent notamment la défense du droit à l’eau. Le présent article cherche à donner une réponse à cette question.
 
LES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DE L’INDUSTRIE MINIÈRE SUR L’EAU AU PÉROU:
 
Même si le gouvernement et les entreprises cherchent à prouver le contraire, la vérité est que la grande industrie minière moderne, tout comme l’industrie minière de plus petite échelle, sont sources d’importants dégâts, autant pour la santé des personnes que pour l’environnement, et spécialement pour l’eau; qu'elles portent atteinte aux droits des populations et mettent en péril la durabilité du développement socioéconomique dans un pays particulièrement vulnérable face au changement climatique, confronté à une forte croissance démographique, de plus en plus urbain et, par conséquent, à chaque fois plus demandeur de services basiques d’approvisionnement en eau de qualité en quantité suffisante.

Alors que l’Etat péruvien exhibe parmi ses résultats le cadastre minier le plus complet du monde, lequel lui permet l’octroi immédiat de concessions minières, c’est le Ministère de l’environnement lui-même qui admet en juin 2012 devant la Convention Ramsar en Roumanie [3] que “Le Pérou ne dispose pas d’un inventaire national complet de toutes les zones humides du pays» et que seules ont été réalisées des évaluations partielles utilisant à différentes époques des échelles différentes  et devant donc être harmonisées selon une méthodologie standard. “En 1980, l’ancien Bureau National d'Evaluation des Ressources Naturelles identifiait 12 201 lacs dans la zone andine du pays. De ce total, 3896 se trouvent sur le versant du Pacifique, 7441 sur le versant de l’Atlantique, 841 sur le versant du lac Titicaca et 23 sur le versant fermé du Système de Huarmicocha. En  2006 et en 2007, l’ancien Institut National des Ressources Naturelles a fait des tentatives pour élaborer des projets d'inventaire, mais n’a pas atteint son objectif. En  2010, le Ministère de l’Environnement a élaboré la carte du Patrimoine Forestier du Pérou, où figurent 6 063,551 ha de marécages et zones inondées tropicales (aguajales), 5790 ha de mangroves, 509381 ha de bocages et  3448 ha landes côtières. Il est nécessaire d’établir un inventaire national à l’échelle de 1:100,000,  associé à un guide méthodologique définissant et conceptualisant le cadre de l’inventaire, échelles, légendes, mode d'évaluation et proposant une méthodologie standard pour assurer un suivi.”
 
Impacts Socio-environnementaux:
Divers rapports officiels ont montré qu’à La Oroya, où opère l’ entreprise minière Doe Run,  plus de 90% des enfants de la localité sont contaminés au plomb.[4] La Oroya se trouve parmi les 10 villes les plus polluées du monde.[5]  Dans le port de Callao, d’où sont exportés les minerais, des centaines d’enfants ont été contaminés par les particules de plomb et les dommages pour leur système neurologique sont irréversibles.[6] A Cajamarca, Yancocha, la mine d’ or la plus grande d’Amérique Latine a contaminé en 2000 plus d’un millier de paysans des localités de San Juan Choropampa et Magdalena avec du mercure métallique, et les séquelles se font sentir jusqu’à aujourd’hui’ hui[7].
 

Impacts Miniers sur les Ressources Hydriques:
Sur le plan national, l’activité minière se situe au 4eme rang des activités consommatrices d’eau. Selon une information officielle du Ministère d’Agriculture, le volume d’eau correspondant à l’usage consomptif est de 18,972 MMC, dont 85.74% sont dédiés à l’utilisation agricole, 6,66%  à l’usage domestique, 6.09% à l’usage industriel, 1.09% à l’usage minier et 0.42% aux besoins de l’élevage. L’usage non consomptif représente 11,139 MMC et correspond surtout à des fins énergétiques[8]. Cependant, ces chiffres, comme toutes les moyennes, peuvent être trompeurs puisqu’ils ne rendent pas compte de la différence d’utilisation d’eau par ces activités au niveau des bassins versants, des micro bassins ou des régions. Il est évident que l’on utilise un pourcentage beaucoup plus élève d’eau pour des activités industrielles dans des régions qui ont un développement industriel plus important, comme Lima, et que l’on utilise beaucoup plus d’ eau dans des régions où sont établies des activités minières, comme on peut l’observer sur l’image suivante qui nous fournit des informations sur l’ utilisation d’ eau par bassin au niveau national:


Source: INRENA. Rapport sur la situation des ressources hydriques au Pérou. Lima, 2003.

Même si la plupart des gouvernements régionaux ou provinciaux ne disposent pas d’études des capacités  hydriques, le cas de la région de Tacna qui est une des rares à en disposer démontre clairement que l’activité minière devient la deuxième activité consommatrice d’eau dans certains bassins versants et dépasse largement la demande en eau pour la consommation humaine, comme on peut le constater dans le tableau Nr. 2 élaboré par  la Gérance des Ressources Naturelles du Gouvernement Régional
 

Le Ministère de l’Agriculture du Pérou (MINAG) reconnait que les eaux sont polluées par trois causes: 1) Décharges domestiques, avec une forte concentration de parasites et organismes pathogènes, 2) Les déchets miniers à rejetés directement dans les rivières et comportant du cuivre, plomb, zinc, fer et argent. 3) les processus industriels qui déversent des substances toxiques dans les lits des rivières et les ruisseaux.[9]
Sur  le site Internet du MINAG, on peut lire plus précisément que “Dans beaucoup de cas la disparition de la faune hydro-biologique des rivières, principalement celles de la Côte, est due à la présence de polluants dans les lits des rivières , comme cela est arrivé dans la région sud du pays avec la disparition de la crevette rose de la rivière Locumba provoquée par le dépôt de déchets deSouthern Perú Copper Corporation, provenant des mines de Toquepala et Cuajone.”[10]
 
Le tableau nº3 liste les rivières signalées par le MINAG comme les plus polluées par les activités des mines formelles et informelles et par des résidus solides

Source: DGAS, 1992.
http://www.minag.gob.pe/portal/sector-agrario/hidrometeorolog%C3%ADa/cuencas-e-hidrograf%C3%ADa/problemática

Il faut rajouter à tout ceci la pollution des eaux marines de la baie de Ite dans la région de Moquegua par les déchets  de la Minera Southern, ainsi que, dans région de Tacna, l'épuisement des eaux souterraines par la surexploitation, ce qui a conduit le gouvernement régional, pour la première fois dans l’histoire du Pérou, à concevoir des dispositifs légaux interdisant l’utilisation des eaux souterraines par les entreprises minières.

Dans la région de Madre de Dios, les mines artisanales d’autrefois se sont transformées en une industrie minière de grande échelle, qui extrait l’or des fleuves à l’aide de dragues et participe à la déforestation de milliers d’hectares de forêt amazonienne, déversant de plus des milliers de kg de mercure dans les fleuves.[11] C’est l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne qui a informé que “en 50 ans, 1.300 tonnes de mercure ont été déversés dans l’Amazone et ses affluents”.[12]
 
Dans la région de Puno, les mines informelles de La Rinconada polluent l’eau du Río Ramis, qui est un affluent du lac Titicaca, bassin versant endoréique (où l'écoulement des eaux n'atteint pas la mer), ce qui affecte les provinces de Melgar, Azángaro, Sandia, Lampa, Huancané, San Román, San Antonio de Putina et Carabaya. On trouve le même problème dans le río Suches, pollué par des nitrates, sulfites, fer, zinc, arsénique, cadmium, nickel, manganèse et mercure. Il faut rajouter à tout ceci la pollution du lac par les déchets solides ménagers estimés à 70 TM par jour[13]. Le problème de la pollution de l’eau devient de plus en plus critique à cause du mauvais état de 18 systèmes de traitement d’eau résiduelles domestiques[14].

Dans la région de Junín, la rivière Mantaro se trouve dans une situation très critique. Elle reçoit tous les jours les eaux de 32 déversoirs miniers appartenant à neuf entreprises, ainsi que les eaux résiduelles domestiques de 43 districts. A cela s’ajoute la présence dans la zone de 272 sites miniers et décharges appartenant à 34 centres d’habitation. Le lac Chinchaycocha (ou Junín) a été fortement pollué par les résidus miniers  et on estime à  200 millions de dollars la somme nécessaire pour le dépolluer[15].

Dans la région de Ayacucho, l’entreprise minière Catalina Huanca pollue les eaux de la vallée Sacllani et de la rivière Mishka dans le district de Canaria en y déversant des eaux acides qui proviennent  du système de drainage souterrain de l’un de ses dépôts de résidus d’opération. La OEFA a estimé le total de solides suspendus à 57 milligrammes par litre, ce qui excède la limite maximale permissible de 50 milligrammes par litre, et ce pour quoi l’entreprise a dû payer une amende en novembre 2012[16].

Dans la région de La Libertad, les bassins hydrographiques les plus importants, El Perejil en Otuzco, Chuyugual en Sánchez Carrión et Caballo Moro en Santiago de Chuco, sont pollués par des déversements miniers. Dans les bassins versants des rivières El Perejil et Negro (district de Quiruvilca, province de Santiago de Chuco), il existe d’importants gisements de charbon minéral: le Ph y dessine une ligne décroissante et rend de plus en plus acides les eaux de la rivière Perejil. De plus étant donné qu’on y constate la présence de métaux comme le cadmium, le fer et le nickel, plus le PH est bas, plus le niveau d’acidité est élevé[17]. A Caballo Moro, la situation est similaire, en 2005, le PH était de 6.7, mais en 2009 il est descendu à 3.56 et on a constaté la présence de fer et d’aluminium. Dans le suivi des points de surveillance situés dans la zone d’opération de l’entreprise minière Barrick - comme la rivière Chuyuhual et Quebrada Negra El Chuyuhual, dans la province de Sánchez Carrión, -  a été détectée la présence des sulfites, des nitrates, du nitrogène ammoniacal, de l’arsénique et du mercure dans des concentrations dépassant les normes environnementales en vigueur. Dans tous ces points évalués, l’eau ne peut être utilisée pour la consommation humaine, agricole, pour l’élevage ni pour la conservation de la vie aquatique à cause des concentrations très élevées de cadmium, de fer, de nickel, d’aluminium, de sulfites, de nitrates, de nitrogène ammoniacal, d’arsénique et de mercure, ce qui constitue un danger pour toute être vivant[18].
 
Dans la région de Lima, jusqu’à l'Agence officielle de communication du gouvernement renseigne de temps à autre sur la pollution de la rivière Rímac par les métaux lourds comme le fer, l’arsénique, le zinc, le plomb, l’antimoine. Les porte-paroles techniques de  SEDAPAL et de l´Autorité Nationale de l´Eau ont eux-mêmes informé que l’industrie minière est la principale source de pollution, avec 11 sites de résidus miniers identifiés responsables de 60% des pollutions, suivis par 450 décharges de déchets ménagers (25%) puis par 38 déchetteries industrielles (15%)[19]. Parmi les entreprises minières qui causent cette pollution, se trouvent les entreprises canadiennes come Minera Coricancha (propriété de Glencore) et  San Juan (propriété de l´entreprise junior canadienne Gold Hawk Ressources), lesquelles vont jusqu’à refuser de respecter les mesures proposées par OSINERGMIN et INDECI [20]. Ce n’est qu’en juin 2012 que l'Autorité Nationale de l'Eau (ANA) a annoncé la création d'une commission multisectorielle chargée de veiller sur la qualité des ressources hydriques du río Rímac et travailler à la “déclaration d’intérêt national” pour cet important bassin[21].
 
Avant même que l´inventaire national des passifs environnementaux n´ait abouti à des conclusions définitives, plus de 5500 de ces « passifs » ont déjà été identifiés, qui drainent des eaux acides vers les parties basses des versants pacifique et atlantique et qui sont, dans beaucoup de cas, source de nombreux conflits socio-environnementaux qui mettent en cause non seulement les activités minières abandonnées mais aussi les activités actuelles, non seulement les mines informelles, mais aussi des grandes entreprises minières comme Southern Copper, Yanacocha, Barrick et Volcán, entre autres.

L'ATTEINTE AU DROIT A L'EAU DANS LES LOCALITÉS MINIERES: LE CAS DE LA MINE YANACOCHA A CAJAMARCA

En 18 ans d'opérations de l'entreprise minière Yanacocha dans les Andes du nord du Pérou, on peut constater qu'à la suite de ses activités de nombreuses sources naturelles d'eau non seulement ont été polluées mais également détruites. La Direction Régionale d'Agriculture a reçu de nombreuses réclamations au sujet des quatre canaux d´irrigation: El Quishuar qui pourvoit en eau 333 familles; El Encajón – Collotán (70 familles); le canal Yanacocha-Llagamarca (43 familles) et le canal San Martín-Túpac Amaru (465 familias se consacrant à l’agriculture et à l’élevage). D’autres canaux, comme celui de La Ramada qui pourvoyait en eau 160 familles, ont été totalement fermés par l’entreprise minière qui prétend que ce dernier « n´a jamais existé », puisque les paysans ne disposaient pas de permis d’utilisation des eaux  actualisés et en règle vis-à-vis de l’autorité compétente. Selon l´autorité administrative du District d’Irrigation de Cajamarca, ont été touchées directement 1026.88 ha de terres irriguées. Pour remédier à cela, l’entreprise minière a dû obtenir de cette autorité des autorisations d’extraire l’eau du sous-sol et la reverser par pompage dans les canaux touchés par ses opérations. On sait de façon prouvée que seulement pour pouvoir compenser ces familles en 2002, l’entreprise Minera Yanacocha a obtenu un permis pour extraire et pomper 65 litres d´eau par seconde[22].

Minera Yanacocha a aussi été confrontée à des réclamations pour pollution des eaux des canaux par des métaux lourds. Il existe de nombreux rapports et évaluations environnementales à ce sujet. L’Audit Environnemental de INGETEC S.A. portant sur les opérations minières de Yanacocha dévoilait fin 2003 que “MYSRL n'a pas analysé l'impact des opérations minières sur les besoins et la qualité de l'approvisionnement en eau potable de Cajamarca... Les principales sources alternatives pour l’approvisionnement futur de Cajamarca se trouvent dans les zones d’influence des opérations minières... Il n'existe pas d'études suffisantes sur les alternatives d'agrandissement du réseau d'approvisionnement en eau potable de la ville de Cajamarca... Parmi les impacts identifiés dans le cas de Minera Yanacocha, qui peuvent être mesurés de cette façon, on peut observer l'accroissement des coûts de traitement de l'eau potable”[23]. Même le médiateur de la Banque Mondiale (connu sous les sigles de CAO), rapportait en octobre 2005 la détection dans le Canal Llagamarca, la Quebrada Encajón, la Quebrada Honda et la Quebrada Pampa Larga de l’arsénique, du plomb et du cadmium dans des concentrations dépassant les limites maximales tolérées. Il recommandait “à la population, de prendre des précautions au moment de consommer de l'eau en provenance des différents points antérieurement mentionnés à cause de la présence de métaux non solubles, considérés comme présentant un risque pour la santé (selon l'OMS)”[24].
 
En début de l’année 2004, les usagers du canal d’irrigation de Tual, après deux ans de protestations infructueuses, ont finalement signé un accord avec les représentants légaux de Minera Yanacocha en acceptant un paiement de "quatre mille dollars américains et une vache d’Arequipa en contrepartie de céder à perpétuité l'usage de l'eau à l’entreprise minière.” Et quand les paysans ont continué à protester, l'entreprise minière s’est vue contrainte à s’engager à reverser l’eau dans le canal depuis son usine de traitement des eaux acides (AWTP), mais d’aucune manière cet accord d’engagement ne prévoit de mécanismes de garantie de la qualité de l’eau et de son suivi participatif. Egalement, il est possible de citer le contenu presque surréaliste d’une lettre signée par des fonctionnaires de Minera Yanacocha dans laquelle ils reconnaissent la pollution de l’eau de la Quebrada Cushuro affectant les usagers du canal San Martín Túpac Amaru Río Colorado, à cause de quoi le 27 novembre  2002 les fonctionnaires de l´entreprise minière et les représentants du canal “signent la Transaction Extrajudiciaire moyennant laquelle Minera Yanacocha se compromet à donner quarante sacs d’engrais à chaque usager.”[25]

Actuellement, l’entreprise minière poursuit devant le Tribunal Constitutionnel la Municipalité Provinciale de San Pablo qui protège de l’expansion minière plus de 200 lacs du Haut Péou, écosystème hydrique qui fait actuellement l’objet d’étude par le MINAM pour être déclaré zone de protection RAMSAR[26]. De la même façon, Yanacocha est en litige contre la Municipalité Distritale de Baños del Inca parce que cette dernière a déclaré les sources de ses bassins versants comme zone de protection en s’opposant  à l’expansion des activités minières dans la Shacsha. Des paysans de la communauté de Negritos et du CPM de Porcón Bajo ont saisi les voies administratives et judiciaires pour les cas d'impacts de l'industrie minière des eaux du lac Totoracocha et du canal d’irrigation  El Quilish.
 
CONCLUSIONS et RECOMMENDATIONS:

 

  1. Au Pérou, les déchets urbains constituent la principale source de pollution des eaux. Ils sont suivis par les activités minières formelles ou informelles. Ce sont ces derniers qui présentent le plus de difficultés de retraitement, car : beaucoup de cas de drainage acide correspondent à des mines abandonnées (1), dans le cas des mines en fonctionnement, la composition chimique des rejets les rend plus persistants dans l’environnement ce qui nécessite des technologies de retraitement très coûteuses (2), quand il s’agit des mines informelles, il est difficile d’identifier les responsables, de surveiller leurs activités et de  leur imposer des sanctions; ces responsables  devraient par ailleurs clore leurs opérations s’ils étaient obligés d’internaliser les coûts environnementaux (3), lorsqu’il s’agit des entreprises minières formelles, la difficulté consiste à devoir faire face à des pressions politiques, manipulations des grands  médias de communication, corruption des autorités ou subterfuges légaux mis en œuvre par les entreprises pour échapper aux normes légales et aux sanctions (4).
  2. Une difficulté importante se trouve dans l’absence dans notre pays d’une vision de développement socialement juste et écologiquement soutenable sur le long terme. Nous vivons dans une société où la démocratie est fragile et où la politique et l’économie servent à produire des grands bénéfices pour peu de personnes en peu de temps. L’industrie minière se voit protégée par la politique et les médias à cause de la nécessité de garantir les investissements qui soutiennent la croissance économique à court terme. Dans cette vision de développement, on sacrifie la sécurité environnementale et alimentaire et ceux qui nous gouvernent sont prêts à aller jusqu’à criminaliser l’action citoyenne et celle des autorités locales qui réclament un développement basé dans la justice sociale et environnementale, comme on peut le voir dans quasi tous les conflits miniers et hydriques du pays, qui sont en nette progression.
  3. Il est urgent d’adopter un ensemble de mesures  qui permettent la création d’un vaste mouvement de citoyenneté hydrique et environnementale qui, dans le cadre de la crise écologique mondiale et du changement climatique, nous amène à promouvoir une nouvelle culture de l’eau garantissant la défense du droit à celle-ci, tant pour la consommation humaine et les activités agricoles et d’élevage que pour  les industriels. Le développement a pour but le bien-être de la personne humaine dans un milieu naturel sain, ce pour quoi les activités économiques doivent servir ce but, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui avec la politique économique néolibérale.
  4. Parmi les instruments fondamentaux pour garantir le droit à l’eau, la protection et la gestion soutenable des ressources hydriques, un ensemble de mesures  nécessaires requièrent de la volonté politique et la capacité institutionnelle de les mettre en place sans attendre  :[27]
  • Etablir l’inventaire national complet de toutes les zones humides pour permettre leur protection et usage rationnel.
  • Comme cela avait été formulé dans les  propositions de loi remises au Congrès par la Grande Marche Nationale de l’Eau et maintenant par la campagne “Signe sans hésiter  (Firma, Firme)” portée par la Fentap, il est nécessaire de légiférer sur l’eau - droit humain, ce qui implique la défense de la gestion publique de l’eau et la garantie de l’accès de tous à l’eau de qualité en quantité suffisante; ce qui implique au préalable d’assurer la stricte protection et l’utilisation soutenable des sources des bassins versants, avec des contrôles stricts de l’utilisation du mercure et du cyanure par les mines déjà en opération et l’interdiction de ces composants pour les nouveaux projets.
  • Donner la priorité aux investissements publics nationaux, régionaux et locaux dans la construction de l’infrastructure d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement.
  • Résoudre les passifs environnementaux produits par l’activité minière des décennies précédentes et qui sont source permanente de pollution des eaux et des sols, ainsi que de conséquences néfastes pour la santé des personnes, en particulier des plus pauvres.
  • Concevoir une gestion environnementale transectorielle. Dans la mesure où le pays a misé sur la création du Ministère de l’Environnement en 2008, il est nécessaire de le renforcer, en transférant dans ses compétences l'évaluation et l’approbation des Etudes d’Impact Environnementaux (EIA) et la direction de l’Autorité Nationale de l’Eau (ANA), en lui fournissant les moyens financiers et techniques nécessaires pour renforcer le Bureau d’Evaluation et Surveillance Environnementale (OEFA).
  • Définir les standards et limites environnementales permissibles en accord avec les meilleurs standards internationaux et en tenant compte des spécificités de notre territoire et nos écosystèmes; réviser le contenu des EIAs (Etudes d’impacts environnemental) pour les rendre plus exigeantes et réviser les procédures qui les encadrent de la sorte que ce soit l’Etat, et non pas les entreprises intéressées, qui choisisse les structures chargées de les mener à bien; introduire d’autres instruments, comme l’évaluation environnementale stratégique (EAE) pour observer y évaluer l’impact accumulatif des différents projets (miniers, d’infrastructures, etc.) réalisés sur un même territoire.
  • Adopter une Loi d’Aménagement du Territoire définissant clairement les rôles du Ministère de l’Environnement et des Gouvernements Régionaux et Locaux, ainsi que de la population, dans les processus de Zonification Ecologique et Economique (ZEE) et d’Aménagement du Territoire (AT). Ces instruments sont nécessaires pour établir clairement là où on peut et là où on ne peut pas,  avec quelles caractéristiques et sous quelles conditions, de pratiquer tel ou tel type d’activité minière, avec des critères minimum de planification.
  • Redéfinir la logique  d’attribution des concessions minières. Les concessions ne doivent être octroyées que dans les zones dans lesquelles la ZEE; l’AT et le Plan Concerté du Développement (PCD), ainsi que la consultation préalable des populations locales, prévoient qu’il puisse exister une exploitation minière. Et celles-ci ne peuvent être le résultat d’une simple demande de l’intéressé, elles doivent résulter d’une négociation et d’un contrat signé entre l’entreprise minière et l’Etat, ce contrat devant, afin d’éviter l’octroi de concessions à des fins de spéculation, engager l’entreprise à des investissements dans des délais fixés. 
  • Implémenter de manière effective et efficace le système judiciaire environnemental, avec des juges, des procureurs et une police écologique formée et dotée de moyens suffisants, capables de mener des enquêtes et sanctionner les délits environnementaux dans l’ensemble du pays.
  • Déclarer les territoires ancestraux des peuples indigènes comme zones de protection stricte où le droit des communautés est respecté.
  • Constituer des autorités environnementales régionales reliant les facultés et compétences du MINAM et celles des gouvernements régionaux, en renforçant les commissions environnementales régionales et locales (CARs y CALs respectivement) et en transférant des compétences aux Gouvernements Régionaux et Locaux pour qu’ils participent ensemble avec le MINAM dans l´évaluation et l’approbation des EIAs et les EAEs, dans la gestion de l’ANA et dans la direction de l´OEFA.

[1] Magistère en Sociologie. Diplômé en Eau et Assainissement à la Faculté d´Ingénierie de l´UNC. Professeur de Gestion Environnementale à  l’Ecole de Troisième cycle de l’Université Nationale de Cajamarca, Pérou. Fondateur de l’ONG environnementaliste Groupe de Formation et Intervention pour le Développement Soutenable (GRUFIDES) et membre du directoire de l’Observatoire des Conflits Miniers en Amérique latine (OCMAL). Conférencier invité à l’Exposition Mondiale de l’Eau, Espagne 2008 et dans différentes universités d’Hollande, Espagne, Etats-Unis, Bolivie, Colombie et Pérou, intervenant sur les thèmes de l’eau, des droits et des industries extractives. Leader actuel du Mouvement Tierra y Libertad (Terre et Liberté).

[2] MONGE, Carlos y VIALE, Claudia. Minería y energía. Tenemos que salir del círculo vicioso que amenaza a la Amazonía Peruana. Lima, 2010

 
[3] Rapports nationaux qui seront présentés à la 11ème Réunion de la Conférence des parties en Roumanie, en juin 2012, p. 14
 
[4] Vooir le rapport officiel au Congrès de la République de Pérou:http://gloriaramos.com
 
[5]Dans les médias: http://elcomercio.pe/ediciononline/html/2008-08-28/la-oroya-ciudad-mas-contaminada-america.html ,http://www.geographos.com/BLOGRAPHOS/?p=346
 
[6] Voir le rappor officiel de la congressiste Gloria Ramos en: http://gloriaramos.com
 
[7] ARANA, Marco. El Caso del Derrame de Mercurio en Choropampa y los Daños a la Salud en la Población Rural Expuesta. Revista Peruana de Medicina Experimental y Salud Pública, vol. 26, núm. 1, 2009, pp. 113-118 Instituto Nacional de Salud. Perú, 2009. Ver en:http://redalyc.uaemex.mx/redalyc/pdf/363/Resumenes/36311625019_Resumen_1.pdf
 
[8] http://www.minag.gob.pe/portal/sector-agrario/hidrometeorolog%C3%ADa/cuencas-e-hidrograf%C3%ADa/problemática
 
[9] http://www.minag.gob.pe/portal/sector-agrario/hidrometeorolog%C3%ADa/cuencas-e-hidrograf%C3%ADa/problemática 
 
[10] Idem.
 
[11] Rapport du  MINAM:http://cdam.minam.gob.pe/novedades/mineriamadrededios.pdf
 
[12] http://www.otca.org.br/ep/plano.php , http://library.fes.de/pdf-files/bueros/quito/07715.pdf
 
[13] http://www.ingemmet.gob.pe/publicaciones/Cap2-Trab4.pdf ,http://www.monografias.com/trabajos82/problema-contaminacion-region-puno/problema-contaminacion-region-puno2.shtml
 
[14] http://elcomercio.pe/planeta/502094/noticia-rio-mantaro-situacion-critica-residuos-mineros-son-principal-agente-contaminante
 
[15] Declaraciones del presidente regional de Pasco, Víctor Espinosa Soto del 03.Enero.2005. http://www.muqui.org/boletines/boletin04.pdf
 
[16] http://elcomercio.pe/actualidad/1500825/noticia-ayacucho-multan-219-mil-minera-contaminacion-rio-mishka
 
[17] http://www.ipedehp.org.pe/pdf/Vigilancia%20Ambiental%2001-09-2011.pdf
 
[18] Idem.
 
[19] http://www.andina.com.pe/Espanol/noticia-relaves-mineros-componen-60-contaminacion-del-rio-rimac-430721.aspx ,http://www.soitu.es/soitu/2008/07/17/info/1216327509_632728.html
 
[20] http://www.dailymotion.com/video/xrcen9_lima-actividad-minera-contamina-agua-del-rio-rimac_news#.UL_KqO279VE
 
[21] 

 
[22] la Resolución Administrativa Nº 304-2002-CTAR-CAJ/DRA-ATDRC
 
[23] INGETEC S.A. Auditoría Ambiental y Evaluaciones Ambientales de las Operaciones de la Minera Yanacocha en Cajamarca. Informe Final, 2003.
 
[24] Diario Panorama 25-10-2005
 
[25] Carta de Minera Yanacocha SRL dirigida al Presidente del Comité de Regantes SAMTARC. 20 Mayo del 2003. Informe de la administración del Distrito de Riego No 029-2002-ATDRC-CATM.
 
[26] Rapports nationaux qui seront présentés à la 11ème Réunion de la Conférence des parties en Roumanie, en juin 2012, p. 14
 
[27] Une partie de ces propositions ont été reprises dans un document produit par Tierra y Libertad et la Central Unica de Trabajadores (CUT) appelé „Pour une nouvelle industrie minière au service d’une stratégie soutenable et inclusive de construction du Buen Vivir (bien vivre)”.
http://servindi.org/pdf/Propuesta_Nueva_Mineria.pdf

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