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Controverses

Interlude extractiviste : quelques exemples d'écoblanchiment publicitaire

La pub est un art, on n'en doute pas. Faire prendre des vessies pour des lanternes n'est pas facile, et il faut un certain talent. Certains exemples valent le détour. En voici quelqu'uns (si vous en connaissez d'autres, merci de nous contacter ou d'ajouter un commentaire à cette brève).

Fukushima, cogérer l'agonie

Un texte récent de Nadine et Thierry Ribault, à lire et faire tourner. Cogérer l'agonie.

Ou : "Changer le monde est devenu obsolète, il s'agit maintenant de s'adapter au monde qui change."
Mode d'emploi applicable en bien des occasions. De la pollution atmosphérique à la catastrophe nucléaire en passant par la pollution par les hydrocarbures.

En ce 11 mars 2015, quatre ans après l’inachevable désastre nucléaire de Fukushima, on peut, bien entendu, établir un bilan officiel : 87 enfants atteints d’un cancer de la thyroïde, 23 autres suspectés de l’être, 120.000 « réfugiés », 50.000 liquidateurs mobilisés au seuil sacrificiel dûment relevé, des piscines remplies de combustibles prêtes à nous exploser au nez, des rejets massifs et réguliers d’eau contaminée dans l’océan, pas moins de 30 millions de m3 de déchets radioactifs à stocker pour l’éternité.

Ce bilan existe. Nous vous y renvoyons.

L’État fait des habitants de Fukushima des cogestionnaires du désastre

Une fois ce « bilan » dressé, une fois les victimes et les inquiétudes considérées avec respect, il s’agit de tirer les conclusions qui s’imposent. L’une d’entre elles est la suivante : au fur et à mesure que se mettait en place l’aide fournie par des groupes citoyens, des ONG, des structures plus ou moins indépendantes, l’État faisait des habitants de Fukushima, indéniablement et sous couvert de « participation citoyenne », des cogestionnaires du désastre. On pourra nous opposer que cet élan civique a relevé de la spontanéité, voire de l’amour du prochain, que l’État n’a donné aucun ordre allant dans ce sens, que chacun était, et reste, libre de « s’engager » dans de tels mouvements, certes ! Cependant, beaucoup des hommes et des femmes qui l’ont fait, même si c’est inconsciemment, ont fait le jeu de l’État.

Voilà ce que nous avons constaté.

La plupart de ses groupes citoyens, ces ONG, ces structures plus ou moins indépendantes ont appelé les habitants à s’équiper de dosimètres, les ont aidé à s’en procurer ou à s’en fabriquer sur le mode do-it-yourself, les ont assistés dans la tâche pharaonique d’une impossible décontamination, ont réuni des fonds aux sommes parfois colossales pour acheter des équipements permettant d’effectuer des anthropogammamétries, y ont fait asseoir leurs congénères pour leur asséner des chiffres dont ils ne savaient que faire, ont élaboré des cartes des retombées radioactives au mètre près, ont ouvert des dispensaires dédiés à l’évaluation des doses reçues et au suivi sanitaire des populations. Ces « initiatives citoyennes » ont visé à rendre compte d’une réalité dont les protagonistes estimaient qu’elle était niée par les autorités. Ce faisant, plutôt que de les mener à « sauver leur vie », autrement dit prendre leurs jambes à leur cou (comme l’ont fait certaines structures, dans le Yamanashi par exemple, aidant les gens à refaire leur vie ailleurs), la plupart d’entre elles ont aidé les gens à rester sur place, ce qui a fait le jeu d’un État qui n’avait d’autre objectif, dès le début des évènements, que de maintenir les populations en place. Ce faisant, plutôt que de remettre en question la thanato-politique de folles sociétés humaines bâties sur le danger et le gouvernement par la mort, ces structures ont appris aux gens à vivre avec, attendu que les dosimètres créeraient le miracle. Lire la suite en pièce jointe

Changer de maître, mais pas d’école ? Opération Correa en huit leçons.

Date de publication: 
Jeudi, 23 Avril, 2015
Par: 
Collectif Aldeah

Crédit : http://www.lemandarin-magazine.com/la_chine_en_equateur_derriere_la_fraterniteCrédit : http://www.lemandarin-magazine.com/la_chine_en_equateur_derriere_la_fraterniteActuellement en salles, le film « Opération Correa » de Pierre Carles se propose de dévoiler la logique marchande des grands médias qui pousse les journalistes à ignorer le « miracle équatorien » et son principal protagoniste, Rafael Correa, président de l’Equateur depuis presque neuf ans*. De Podemos (Espagne) à Syriza (Grèce), en passant par Jean-Luc Mélenchon en France, le rêve équatorien séduit pourtant la gauche radicale européenne, et l’« opération » de Pierre Carles entend donner à cet enthousiasme un nouvel élan. Mais après ces neuf années, que peut-on dire du projet politique de Rafael Correa ? Entre le silence des grands médias et la propagande des hérauts de la « révolution citoyenne », difficile d’y voir clair. 

Bien qu’il soit impossible de dresser un bilan complet, certaines caractéristiques de la gestion de Correa nous interpellent. En tant que militants, français, latino-américains et notamment équatoriens, engagés dans des luttes concrètes contre l'extractivisme, l'autoritarisme et le capitalisme (non, nous ne sommes pas des agents de la CIA), nous sommes inquiets de constater que la « révolution citoyenne » de Correa sert de source d’inspiration aux dirigeants et militants en quête « d’alternatives » qui ne semblent pas être au fait des réalités locales, ou qui décident de les ignorer au risque de cautionner des politiques, discours et attitudes contre lesquels ils se battent ici-même en Europe. Une mise au point s’impose.

 (1) Rafael Correa est-il anticapitaliste ?

Il nous répond lui-même : « Nous faisons mieux avec le même modèle d’accumulation, plutôt que de le changer, parce que notre intention n’est pas de porter préjudice aux riches, mais de parvenir à une société plus juste et équitable »[1].

 (2) Quel genre de démocratie est l’Equateur de Rafael Correa ?

Rafael Correa et son mouvement politique, Alianza País, ont enclenché un processus de modification de la Constitution (promulguée lors de son premier mandat), qui lui permettrait de briguer plus de deux mandats successifs[2], contredisant ce qu’il affirmait il y a peu : « ce serait très malheureux qu'une personne soit si indispensable qu'il faille changer la Constitution pour modifier les règles du jeu »[3]. La même réforme constitutionnelle donnerait à l’armée le droit de participer à des opérations de sécurité publique (article 158), limiterait la possibilité de citoyens de se défendre contre les actes abusifs de l’Etat (article 88) et ferait de la « communication gouvernementale » un service public impliquant un droit de diffusion (au nom de ce service) et un contrôle accru sur les médias publics et privés (article 384)[4].

De même, le décret présidentiel n°16 [5] « encadre » si bien l’activité des associations que, quelques mois après son entrée en vigueur, il a déjà permis la fermeture de la Fundación Pachamama pour le motif qu’elle aurait exercé une activité politique menaçant la sécurité de l’Etat[6]. Pour rappel, en vertu de ce décret, l’activité politique n’est autorisée qu’aux partis politiques, officiellement inscrits comme tels, sous peine de dissolution ou de poursuites pénales! Quelle liberté pour les contre-pouvoirs existe-t-il aujourd’hui en Equateur si critiquer l’action du gouvernement peut mener les représentants d’une association en prison ? Qu’est-ce qu’une « activité politique » ? Il s’agit bel et bien d’un ensemble de réformes anti-démocratiques et elles ne sont pas le fruit du hasard.

Sous les mandats de Rafael Correa, les projets d’exploitation de ressources naturelles sont lancés sans consultation des communautés indigènes[7], en violation de la convention 169 de l'OIT (ratifiée par l’Equateur) et de la Constitution, instaurant un climat de peur et de répression des opposants : emprisonnement sans preuve, assassinats inexpliqués, répressions violentes, vexations quotidiennes. Dans la Cordillère du Condor (en Amazonie), trois de nos camarades ont ainsi récemment disparu : en 2009, Bosco Wisum est tué par la police lors d'une manifestation en opposition à la nouvelle loi sur l'eau (favorisant sa privatisation) ; en 2013, Freddy Taish est abattu lors d'une opération de l'armée ; enfin, en 2014, le corps sans vie de José Tendetza, opposant notoire au mégaprojet minier chinois Mirador, est retrouvé dans un affluent du Rio Zamora. Javier Ramirez, un des leaders de l’opposition à l’exploitation du cuivre en Intag, a été emprisonné durant 11 mois sans que les faits qui lui sont reprochés ne soient établis, tandis qu’un autre opposant, Carlos Zorrilla, d’origine cubaine mais qui réside en Equateur depuis 1978, a été accusé publiquement par le président Rafael Correa en personne, lors de son émission télévisée hebdomadaire, d’être « un étranger qui empêche le développement [du] pays » ![8]

Enfin, à propos de l’avortement, nous vous laissons juger : en 2013, lorsqu'un petit groupe de députées appartenant à Alianza País (parti de Rafael Correa) proposent de le dépénaliser en cas de viol, Rafael Correa, fervent catholique, menace de démissionner et dénonce la « trahison » des députées, tout en jurant qu’il refuserait d’accepter cette décision du parlement si elle était votée[9]. Son secrétaire juridique, Alexis Mera, un homme politique qu’on situerait volontiers à l’extrême droite en France, qualifiera de "mal baisées (mal culiadas)" les féministes pro-avortement[10] ! Ambiance.

(3) La « révolution citoyenne » de Rafael Correa est-elle portée par les mouvements populaires, indigènes et paysans ?

La « mine responsable » n'est pas pour demain

Le ministre de l’Economie, de l’industrie et du numérique Emmanuel Macron a présidé ce 1er avril la réunion de lancement de l’initiative « mine responsable ». Un comité de pilotage « au format Grenelle », selon le cabinet du ministre, sera composé d’élus locaux et nationaux, d’organisations non gouvernementales et de représentants des industriels et des salariés. Ce comité aura à charge la rédaction d’un livre blanc d’ici l’automne pour dresser un état de l’art des innovations à même de réduire l’impact de l’activité minière. Ces travaux devront servir de référentiel technique.

Sans vouloir faire d’allusion désagréable sur le choix de la date de cette annonce, cette initiative pose deux questions sérieuses : la mine « verte » et, plus globalement, le retour de l’exploitation minière en France sont-ils envisageables ?

Cradle to Cradle Du berceau au berceau

L’expression cradle to cradle, du berceau au berceau, a été introduite en référence à l’expression cradle to grave, du berceau à la tombe, couramment utilisée en analyse du cycle de vie. L’expression du berceau à la tombe fait référence à l’impact environnemental total qu’occasionne un produit, depuis sa conception jusqu’à son démantèlement. Par contraste, l’expression du berceau au berceau revendique l’idée que les produits du démantèlement peuvent eux-mêmes être des matières premières et, finalement, permettre ce qu’on a appelé l’économie circulaire.

Le livre de William McDonough et Michael Braungart [1] propose une révolution dans la production industrielle qui, selon les auteurs, pourrait devenir entièrement verte. Qu’en est-il ?

Il n’y a pas de doutes que les biens qui sont produits aujourd’hui ont généralement de très graves défauts d’un point de vue environnemental. Il n’y a pas de doutes que les émanations, dans l’ambiance de nos maisons, d’un grand nombre de composés chimiques synthétiques contenus dans ces biens sont inquiétantes. Il n’y a pas de doute qu’une grande majorité de produits est destinée à finir rapidement dans les poubelles et sera incinérée ou mise en décharge, épuisant ainsi un peu plus les ressources naturelles non renouvelables et accentuant la pression sur le flux des énergies renouvelables. Des produits environnementalement mieux conçus pourraient certainement représenter une voie de grand progrès. Et tel est, il me semble, un objectif de l’économie verte.

La Louve, le supermarché coopératif du 18ème: le bio pour les bobos, les restes pour les prolos ?

Date de publication: 
Lundi, 26 Janvier, 2015
Par: 
Reçu par email

Avant-proposLe collectif Aldeah a reçu ce texte par courrier électronique. Certains le trouveront probablement incomplet, mais il pose néanmoins des questions légitimes qui nous paraissent valoir la peine d'être débattues. Si vous souhaitez y répondre, merci de nous contacter : http://www.aldeah.org/fr/contact

 

Habitant du 18ème arrondissement, j'ai appris qu'un supermarché se revendiquant coopératif appelé La Louve est en train de voir le jour dans le quartier.

Si de prime abord La Louve encourage l'autogestion ainsi que les préoccupations socio-environnementales, une brève analyse de son modèle d'inspiration et soutien, le Park Slope Food Coop (PSFC) à New York, suffit à déceler sa patte néolibérale. D'abord, l'envergure du PSFC (1000 m2, 16 000 membres) interroge sur sa «gouvernance», articulée autour d'un CA élu pour 3 ans par les membres. Mais «[l]es new­yorkais, tout comme les Parisiens, sont très occupés» et les électeurs tournent, de l'aveu même des promoteurs, «autour de 100 (soit 0.6% des membres)»: une minorité décide donc pour une majorité.

Quant aux objectifs du PSFC, ils ont à première vue de quoi séduire: «soutenir les meilleurs produits et les meilleures pratiques en ce qui concerne la santé, la sécurité et la conservation des humains, des animaux et de la biosphère en général», tout en restant accessible à des personnes «d’origines très différentes, ayant des nécessités et des situations financières très variables».
 
Toutefois, afin d'atteindre cette mixité sociale et d'«offrir à ses membres une gamme de produit ‘complète’», le PSFC concilie l'inconciliable: dans ce supermarché, les «produits bios et locaux sont préférés» mais «on a souvent le choix entre un produit bio et un produit conventionnel», y compris des OGM, sauf «si un équivalent non­OGM peut se trouver au même prix». Autrement dit: du bio pour les bobos, les restes pour les prolos ?

Si La Louve est une version du PSFC adaptée au contexte français, elle conserve la même philosophie pragmatique néolibérale qui légitime la vente de produits issus de la filière agro-industrielle «conventionnelle» par la noble volonté de «rendre la coopérative accessible à tous».

Je souhaite donc interpeller les habitants du 18ème, pour que La Louve ne fasse aucun compromis sur la santé des plus pauvres en acceptant de leur vendre des produits non­bio. En parallèle, une réflexion doit être menée quant au devenir des AMAP, dont je suis membre. Véritables solutions accessibles à tous, elles sont aujourd'hui fragilisées et risquent d'être ingérées par des gloutons, comme La Louve ou «La ruche qui dit oui», qui singent leurs principes mais en retirent l'essence militante. N'y a­t­il pas en effet un risque que les paysans en AMAP se laissent séduire par ces prédateurs, qui pourraient bien leur paraître plus attrayants car économiquement plus sécurisants ?



Un agneau sans berger


Pour en savoir plus :

Croissance: on arrête tout, on réfléchit!

Entre 1970 et 1973, le dessinateur Gébé imagine à quoi ressemblerait « l’an 01 », le monde d’après la révolution. Son récit utopiste prend la forme d’un feuilleton dans Charlie Hebdo puis d’un film, en collaboration avec Hara-Kiri, Jacques Doillon, Alain Resnais, Jean Rouch, Gérard Depardieu et Miou-Miou. Le sous-titre de cette œuvre délicieusement subversive annonce : « On arrête tout. On réfléchit. Et c’est pas triste. »

Quarante ans plus tard, le slogan pourrait servir d’étendard aux mouvements, réseaux et collectifs qui se réclament de la décroissance. Ils gagnent en audience alors que le Produit intérieur brut (PIB) piétine en Europe et devient étale en France. Mardi s’ouvre à Leipzig une conférence internationale sur la décroissance qui résume ainsi son état d’esprit : « Votre récession n’est pas notre décroissance ». Fin août, 2 500 personnes s’y étaient inscrites.

« C’est beaucoup plus que les précédentes éditions, il n’y a jamais eu autant de monde », constate André Reichel, chercheur en durabilité et militant de la décroissance. Pendant toute la semaine, activistes des « villes en transition », de la permaculture, de l’agriculture urbaine, des ateliers de réparation, de la justice climatique, acteurs de l’économie sociale et solidaire, animateurs de coopératives, et curieux vont s’y rencontrer. Les ateliers et débats portent sur la façon d’organiser la société, construire une économie sociale et écologique, ou vivre la convivialité.

L’événement est européen mais attire aussi des fondations américaines qui apportent leur soutien financier à ces mouvements sociaux d’un nouveau type. À l’image de l’Edge funders Alliance, dont le directeur, Mark Randazzo explique que s’il vient à Leipzig, c’est parce que « dans la mesure où nous comprenons que les crises sociale, économique et écologique sont liées les unes aux autres et qu’elles révèlent une crise plus profonde du système, la philanthropie progressiste ne doit pas seulement s’intéresser aux symptômes mais aussi aux racines du problème ». Et ses antidotes : la « nouvelle économie », collaborative, non marchande et « post-croissance ».

L’Amérique Latine aujourd’hui, vue du bas

Date de publication: 
Mardi, 23 Septembre, 2014
Par: 
Raul Zibechi - Traduction par Thierry Uso

Traduction par Thierry Uso de l’interview de Raul Zibechi publiée en juin 2013 dans le magazine MU.

LUruguayen Raul Zibechi travaille comme journaliste au magazineBrecha, coopérative créée entre autres par Eduardo Galeano et Mario Benedetti. Depuis 2001, Zibechi se focalise sur les mouvements sociaux à travers lAmérique Latine, quil découvre lors de voyages partout il est invité. Il est lauteur de plusieurs livres dont le plus récentThe New Brazil: Regional Imperialism and the New Democracy.

A voir aussi sur Aldeah : http://www.aldeah.org/fr/amerique-latine-tensions-en...

1- EQUATEUR

En Equateur, il y a un gouvernement qui proclame une révolution citoyenne et qui a une constitution qui fait référence de manière explicite au Buen Vivir et aux droits de la nature. En même temps, il y a 179 ou 180 dirigeants indigènes et militants accusés de sabotage et de terrorisme pour ce qu’ils ont toujours fait : bloquer les routes et occuper l’espace public pour protester et stopper les projets miniers qui affectent leur moyen d’existence et leurs communautés. La plus grande lutte actuelle des mouvements sociaux est pour défendre l’eau et arrêter les mines à ciel ouvert. Le président Correa les appelle les « ventres pleins » (« pancitas llenas ») qui parce qu'ils sont rassasiés peuvent se consacrer à critiquer le gouvernement et l’industrie minière au côté de leurs amies ONG impérialistes.

MU: Le président bolivien Evo Morales dénonce aussi ces ONG comme des organisations défendant les intérêts impérialistes afin de saper le pouvoir de lEtat en Amérique Latine.

Oui, Correa et Morales accusent les mouvements sociaux d’être manipulés par les ONG, comme si les communautés indigènes étaient des enfants mineurs. L’Equateur et la Bolivie ont plusieurs choses en commun : premièrement, les mouvements sociaux sont puissants ; deuxièmement, les gouvernements se déclarent eux-mêmes révolutionnaires ; et enfin dans les deux pays il y a une confrontation féroce entre les politiques de modernisation gouvernementales et les mouvements sociaux qui sont criminalisés et persécutés.

Mais un fait intéressant est que les classes dominantes en Bolivie aussi bien qu’en Equateur changent rapidement. La bourgeoisie financière à Guayaquil (dans le sud) s’est effondrée et aujourd’hui c’est le secteur financier à Quito (altiplano du nord) qui est dominant. Parallèlement, de nouvelles analyses provenant de Bolivie parlent d’une nouvelle bourgeoisie dans laquelle les dirigeants indigènes Aymara et Quechua jouent un rôle important. Cette contradiction est évidente dans le conflit de Tipnis, quand une énorme mobilisation indigène a arrêté un projet d’autoroute dans les terres ancestrales. A Tipnis, le conflit est entre les producteurs de coca qui font maintenant partie des instances dirigeantes et les indigènes [qui ont été précédemment leurs alliés pour amener Evo Morales au pouvoir]. Nous observons un processus similaire dans plusieurs pays.

MU: Alors, à quoi ressemble le pouvoir maintenant?

Fondamentalement, ce que nous avons est d’un côté la vieille classe possédante, et de l’autre côté la classe « gestionnaire » (« gestores »). Des gens qui ne possèdent pas les banque mais qui les gèrent, des gens qui contrôlent les fonds de pension, le capital qui est la matière première pour la spéculation financière. Ces gestionnaires sont maintenant les acteurs essentiels, ils sont bien payés et ils font partie de la classe dirigeante même s’ils ne possèdent pas les moyens de production industrielle. Ils dominent le circuit économico-financier qui reproduit le capital. Nous voyons des contradictions dans ces pays entre les possédants et les gestionnaires qui sont alliés mais pas toujours. Il est intéressant de constater que la classe dominante est devenue plus complexe et qu’il y a des conflits. Des parties de la classe dirigeante s’appuient sur les secteurs populaires et d’autres parties s’appuient sur d’autres secteurs sociaux, au service de leur propres intérêts, et il y a des points d’union et de conflit entre et parmi elles. Nous observons une restructuration et un repositionnement des classes dirigeantes et nous l’observons très clairement en Bolivie et en Equateur.

2- BOLIVIE

Bolivie est le pays où les mouvements sociaux sont les plus forts, où ils ont obtenu le plus et où ils ont interféré le plus avec les systèmes dominants. Ils ont le grand avantage d’être très divers. Il y a les Aymaras des hauts plateaux et les peuples des basses terres. Dans beaucoup de cas les exploiteurs sont les multinationales, mais dans d’autres cas les menaces viennent des secteurs économiques Aymara ou Quechua. Cela crée une situation très complexe dans laquelle les basses terres sont actuellement en bas de l’échelle du pouvoir. 

Nous observons une reconfiguration intéressante de la classe dirigeante qui n’est plus la bourgeoisie qui parle « gringo » mais un autre groupe qui porte un poncho et qui parle Aymara ou Quechua, comme par exemple le vice-président Alvaro Garcia Linera. Il est le théoricien des nouvelles pratiques des instances dirigeantes, la charnière entre l’occident et les indigènes pourrait-on dire. La Bolivie est le laboratoire idéal pour ce processus : quand un mouvement indigène lutte pour le pouvoir, le gouvernement essaie de créer une instance de pouvoir parallèle.  C’est un processus de clonage qui génère de la confusion en cooptant les dirigeants et en créant des divisions brutales dans le but de brouiller les cartes. Cela ralentit les choses, laissant à l’élite le temps de se repositionner tout en continuant de promouvoir ses projets. Ces pratiques de domination sont beaucoup plus raffinées qu’avant. 

MU: Quest devenu le concept dedispersion du pouvoirdont vous parlez dans votre livre sur la Bolivie?

L’Amérique du Sud et le débat autour de « l’extractivisme »

Ces dernières années, l’Amériquedu Sud a opéré un « tournant àgauche », en se dégageant dunéolibéralisme qui prévalait.Pourtant, le paradoxe de cettenouvelle phase est de reconduire,voire d’accentuer, le même modèlede développement qu’auparavant.

En mars 2012, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes des Nations unies (Cepal) tirait la sonnette d’alarme, en évoquant un processus de « reprimarisation » : la part des matières premières dans les exportations du continent est passée de 27 % au début des années 1980 à 40% en 20091. Le continent exporte très majoritairement des matières premières « traditionnelles » – minerais, soja et pétrole brut principalement – en échange de produits manufacturés. Ainsi, en 2011, 42.3 % de toutes les exportations boliviennes étaient constituées de gaz naturel et 35,2 % de minerais. Le pétrole et ses produits dérivés concentrent 57.5 % des exportations équatoriennes et 93.6 % des exportations vénézuéliennes, et près de la moitié des exportations péruviennes sont composées d’or et de cuivre

Liens vers l'article : http://www.cetri.be/IMG/pdf/zindigne_e_savril2014.pdf

Mines urbaines : une option pour pallier la pénurie de métaux ?

Date de publication: 
Mercredi, 5 Mars, 2014
Par: 
La Baleine 174 - De la surconsommation à l'économie de la convivialité

Source : http://www.amisdelaterre.org/Mines-urbaines-une-option-pour.html

Les ressources s'épuisent, les mines les plus accessibles ont déjà été exploitées. Il y aurait désormais plus d'or dans une tonne de vieux téléphones portables que dans une tonne d'un gisement d'or exploité. L'idée d'exploiter les << mines urbaines >> émerge : changera-t-elle les comportements ?

L'engouement pour les nouvelles technologies augmente l'utilisation de métaux : en 1980, un ordinateur en comptait une dizaine, aujourd'hui il en compte plus de 60. Des appareils plus nombreux dans lesquels le nombre de métaux croît, tout comme leur rareté à l'échelle de la planète. Au point qu'aujourd'hui, l'épuisement des gisements inquiète les décideurs économiques et politiques nationaux et européens qui élaborent des stratégie pour y pallier1. L'exploitation des mines urbaines autrement dit le recyclage des déchets électriques et électroniques n'est pas la priorité. 

La sécurisation des approvisionnements ou la recherche de produits de substitution, qui passe par l'exploration de nouveaux gisements, lui est préférée. La logique poursuivie est bien de continuer à prélever les ressources encore disponibles, indépendamment des questions de pénurie ou des conflits géopolitiques (en RDC ou en Chine par exemple).